L’intelligence économique comme culture d’entreprise

SOMMAIRE

Selon le Rapport Martre de 1994, l’Intelligence économique (IE) est une approche stratégique globale qui vise à accompagner l’entreprise dans ses actions à divers niveaux d’activité (interne, externe, local, intermédiaire et international). En 2005, le référentiel établi par le groupe de travail d’Alain Juillet a défini l’IE comme la maîtrise et la protection de l’information stratégique utile aux acteurs économiques. L’accent est alors mis sur le rôle déterminant de la connaissance pour favoriser la croissance, tout en incorporant la nécessité de protéger l’information à haute valeur ajoutée. En d’autres termes, l’IE est une interface entre l’entreprise et son secteur d’activité. Elle constitue le socle de sa compétitivité et est une condition à sa survie dans un contexte concurrentiel exacerbé.

De nombreuses entreprises, même de taille modeste, pratiquent l’IE sans le savoir. Le simple fait d’être présent et actif dans un secteur d’activité implique effectivement un certain niveau de compréhension et de connaissances de son environnement. Paul-Marie Edwards, dirigeant de PME et enseignant, parle du degré zéro de l’IE. La pratique avancée de l’IE nécessite quant à elle la présence d’une vraie culture de l’information, et la mise en place d’un système de gestion (identification, collecte, analyse et diffusion) et de protection systématique de l’information stratégique. L’entreprise doit pouvoir être réceptive aux moindres évolutions de son environnement tout en préservant ses informations stratégiques. 

Le rôle des dirigeants dans la construction d’une culture de l’information collaborative

La démarche repose ainsi sur la construction d’une culture informationnelle collaborative des dirigeants. Cette culture de partage des informations garantit l’accès aux ressources intangibles nécessaires à la gestion de l’entreprise. Annette Béguin-Verbrugge et Susan Kavacs (2001) définissent la culture informationnelle comme « un ensemble de connaissances et savoir-faire partagés dans une communauté (qui) permettent de situer, de repérer, de qualifier, de traiter et de communiquer des informations de manière pertinente ». 

C’est dans ce cadre que les acteurs et les dirigeants des entreprises vont « construire, organiser, classer les connaissances » (Liquète et Kovacs 2013). Cette culture informationnelle collaborative repose sur les acteurs qui la mettent en œuvre et dont les compétences sont mises à profit pour atteindre les objectifs de l’organisation » (Mallowan 2013) – et elle est au cœur du processus d’IE en entreprise. 

La prise de conscience de la valeur de l’information stratégique par tous les acteurs de l’organisation 

En effet, quelle que soit la qualité du système d’information de l’entreprise, l’information n’a en elle-même aucun sens. Ce sont les hommes et les femmes qui, en mobilisant leurs connaissances, lui donnent du sens par leur interprétation. Cette culture de l’information doit donc se traduire par une curiosité partagée pour la connaissance et la compréhension de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise, dans un mode de recherche et d’analyse constante de l’information. L’implication et la coopération des acteurs de la structure sont donc des prérequis à la mise en œuvre d’une démarche d’IE, et doivent être un élément constitutif de la culture d’entreprise. 

La culture d’entreprise permet effectivement d’encadrer et de prévoir les comportements des acteurs de l’entreprise : entre eux (et avec la direction), avec les clients, prospects et fournisseurs/prestataires. Elle doit assurer la cohérence de la structure et permettre une communication efficiente entre ses membres. Une culture d’entreprise favorable encourage en effet l’implication et la participation, et renforce le sens de responsabilité et de propriété de ses membres. L’IE fait appel à la fois à des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être : c’est un état d’esprit. Chaque membre de la structure peut tenir le rôle de « veilleur » et être conscientisé à la valeur de l’information et à l’importance de la protéger. Il est important d’assurer à la fois une bonne circulation et une bonne protection des connaissances au sein de la structure.  La démarche d’IE s’appuie sur les ressources de l’intelligence collective, c’est-à-dire sur le partage et la valorisation de l’information par l’ensemble des parties prenantes, suivant le postulat que chaque membre de la structure dispose d’informations à forte valeur ajoutée. La culture d’entreprise doit favoriser ses échanges internes qui permettent à la fois d’apporter de nouvelles expertises et perspectives autour de la table et de croiser l’information dite formelle (accessible en ligne par exemple) et informelle (pas directement accessible) dans le but d’extraire du sens et de produire une analyse pertinente – ce qui in fine améliore entre autres le processus de prise de décision. 

A titre d’exemple, une entreprise dont la démarche d’IE fait partie intégrante de la culture d’entreprise sera mieux préparée pour tirer profit d’un salon professionnel, tout en étant aussi mieux protégée contre d’éventuelles fuites de connaissances. Si les employés sont sensibilisés et à jour sur ce que représente l’information stratégique pour l’entreprise, ils pourront plus facilement savoir ce qui peut ou ne peut pas être diffusé, tout en étant dans une posture curieuse et alerte vis-à-vis de leur environnement (observer l’organisation et les interactions sur les autres stands par exemple). 

L’avantage concurrentiel des entreprises qui pratiquent l’intelligence économique 

L’Intelligence économique comme culture d’entreprise peut permettre aux petites et très petites entreprises de se saisir de ces questions. C’est un modèle qui s’adapte à leurs particularités structurelles, organisationnelles et humaines ; et qui vient renforcer les stratégies informelles intuitives déjà mises en place par ces petites structures (Claire d’Hennezel 2017).

En utilisant toutes les sources d’informations disponibles, l’IE permet ainsi à l’entreprise d’appréhender au mieux son environnement : 

  • les stratégies de ses concurrents, 
  • les tendances de fonds et les signaux faibles du secteur, 
  • les dynamiques territoriales et internationales, etc. 
  • pour mieux s’y positionner. 

Elle peut le faire en adaptant sa stratégie (anticipation, innovation, etc.), en se protégeant plus efficacement (maîtrise des risques industriels/commerciaux/financiers/réputationnels) et en développant des actions concrètes d’influence pour « peser sur les organisations qui établissent les règles juridiques et les normes » (Martre 1994). 

Intelligence économique
linked-in
instagram